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Séjour de 4 jours à Luang Prabang ou la dolce vita laotienne

Mai 2023


Nichée au nord du Laos, traversée par le Mékong et la rivière Nam Khan, Luang Prabang m’est apparue dès mon arrivée comme une ville mêlant exotisme, imprévus et beauté intrinsèque. Après deux jours de navigation sur un “slow boat”, il me tarde de profiter de ma première escale dans cette ancienne capitale royale, dans laquelle je séjournerai quatre jours au total.

Déguster la bière locale, une de mes “side quests” favorites en voyage !
Déguster la bière locale, une de mes “side quests” favorites en voyage !


Quelques éléments de contexte sur ce séjour : il se déroule dans le cadre d’un congé sabbatique dont le programme n’a pas été défini à l’avance… notamment la rupture amoureuse survenue quelques semaines à peine après le début de l’aventure. J’ai décidé de visiter le Laos dix jours avant d’y mettre les pieds et “sacrifie” donc régulièrement une demi-journée pour rédiger mes carnets de voyage et décider des itinéraires des jours à venir, par conséquent pas toujours optimisés. La première matinée à Luang Prabang est par exemple consacrée à de la rédaction, alors que j’ai prévu de rejoindre en début d'après-midi K., touriste rencontrée lors du trajet en bateau des deux jours précédents.

«  Partir, c'est mourir un peu. Poursuivre le voyage, 
c'est peut-être ressusciter. Le vrai voyageur, 
c'est celui qui jamais ne tente de revenir en arrière.  »
 
- Jacques Renaud (Le Voyageur)

À peine mon carnet refermé, je décide de me promener sur les berges du Mékong. Au bout de vingt minutes, une pause dans le parc Riverview s’impose. La chaleur semble pire à supporter ici qu'en Thaïlande. Pourtant, le thermomètre affiche les mêmes températures… Je me rends sans détour au restaurant ombragé The Belle Rive Terrace et profite de la vue sur le fleuve. Petit indice de la présence française passée, le déjeuner est composé de spaghettis, accompagnés de légumes de la région. Un smoothie aux fruits frais constitue le dessert et nous voilà parties pour les cascades Tat Sae.

Malgré le mauvais état des routes, K. conduit bien le scooter loué pour l'occasion. Trous, graviers et pistes non bitumées semblent la norme au Laos... C'est l'occasion de traverser plusieurs villages et de m’étonner de l'hétérogénéité des habitations. Chaque famille a l’air d’aspirer à posséder sa maison et la construit petit à petit selon ses moyens. Ainsi, de solides maisons en brique jouxtent de petites cabanes en bois, alors que quelques villas luxueuses trônent au milieu de vastes propriétés et que quelques tentes de fortune suggèrent le dénuement de leurs occupants.

État de la route depuis Luang Prabang vers En au printemps 2023
État de la route depuis Luang Prabang vers En au printemps 2023


Après vingt-cinq minutes de trajet, nous arrivons à En et rions quelques minutes avec de jeunes enfants qui s'approchent de nous. L'une des petites filles est particulièrement fière de nous montrer ses ongles, vernis de bleu ! Sa mère nous apprend que les cascades sont presque asséchées en ce moment, faute de pluie. La saison des pluies est en retard cette année et fait craindre une mauvaise récolte, un coup dur dans un pays dont 70% des habitants possède un emploi lié à l'agriculture. Le passeur attitré (ou pas) est prêt, lui, à nous vendre un ticket pour aller voir la cascade - heureusement que nous avons échangé avec les villageois juste avant ! Nous préférons rebrousser chemin, direction le marché de nuit de Luang Prabang.

Celui-ci, bien que touristique, propose de plus jolis souvenirs qu'en Thaïlande - un avis, il est vrai, tout à fait subjectif. Certaines écharpes et tissus en tous genres, très jolis, semblent faits main. Le musée national qui se détache sur le ciel coloré en arrière-plan contribue grandement à la beauté du cadre. 

Vue sur le musée national depuis le marché de nuit de Luang Prabang
Vue sur le musée national depuis le marché de nuit de Luang Prabang


Nous avons du temps à tuer avant le dîner, excuse parfaite pour s’essayer à un massage lao traditionnel. Ayant appris les rudiments du massage thaï à Chiang Mai, il me semble que les mouvements réalisés lors de ce dernier sont plus complexes et ne reposent pas autant sur des pressions effectuées avec les pouces - pressions que j’ai bien ressenties, merci !

Pour dîner, notre choix se porte sur un hot pot végétarien. Je suis aussi perdue devant l'appareil et les assiettes pleines d'ingrédients que lors de mon premier barbecue coréen... La serveuse nous aide à le démarrer et nous nous régalons bientôt de nouilles, tofu et légumes verts. Un passage rapide par la piscine de l'hôtel pour me rafraîchir conclut cette journée alors que je règle le réveil pour cinq heures du matin - objectif : voir le lever du soleil sur le Mékong.

La cuisine laotienne utilise traditionnellement le charbon de bois pour ses barbecues
La cuisine laotienne utilise traditionnellement le charbon de bois pour ses barbecues ​


Mon hôtel est stratégiquement situé à côté du mont Phousi, colline depuis laquelle on peut voir toute la ville et dont l'ascension ne prend qu'une quinzaine de minutes. La fine pluie qui tombe ne me décourage pas dans mon projet d'observer le lever du soleil sur le Mékong et j'atteins le sommet après avoir croisé quelques moines appartenant au monastère situé sur le mont. Malheureusement, la pluie s'intensifie et j'assiste plutôt au lever d'un jour au ciel gris et chargé. Par ailleurs, la ville apparaît plus étendue que je n'en avais eu l'impression en arrivant.

Après quelques instants, je redescends par l'autre flanc de la colline pour rejoindre le centre-ville, mais surprise : les escaliers sont fermés au niveau du guichet d'entrée. Je coince l'argent correspondant à mon ticket d'accès entre les battants d'une fenêtre et me lance dans une séance d'escalade et de contorsions dans le terrain forestier entourant la grille. Si je suis si déterminée à ne pas rebrousser chemin (outre les escaliers à remonter), c'est que la cérémonie de l'aumône ou “Tak Bat” est sur le point de commencer.

«  Celui qui donne avec un cœur pur, sans attente, accumule un grand mérite.  » - Siddhartha Gautama (Discours sur la Bienveillance - Sutta Nipata)

Les moines bouddhistes de Luang Prabang, reconnaissables à leur robe safran et leurs pieds nus, déambulent ainsi tous les matins pour recevoir les offrandes qui les nourrissent. Le surplus, re-distribué en chemin, bénéficie aux plus défavorisés. Ce rituel se voit régulièrement perturbé par des touristes peu respectueux des consignes, pourtant affichées un peu partout : ne pas être vêtu légèrement (surtout les femmes), être silencieux, ne pas photographier de trop près les moines… Il est également conseillé de s'éloigner du temple Wat May autour duquel se massent la plupart des spectateurs, même s’il s’agit du plus sûr moyen de ne pas louper la scène.

À cause de la séance d'escalade imprévue, j'arrive au moment où une colonne de moines s'éloignent au loin… Une promenade dans le marché du matin (en pleine installation) plus tard, je suis en train de débattre si cela vaut la peine de me lever de nouveau si tôt demain matin, lorsque j'aperçois un nouveau groupe de moines en file indienne, se dirigeant vers les habitants installés sur de petits tabourets en plastique le long du trottoir, et attendant de faire l'aumône. Quelle vue inédite ! 

Colonne de moines avec robes et parapluies orange, pieds nus sous la pluie
Colonne de moines avec robes et parapluies orange, pieds nus sous la pluie ​


J'observe la mécanique bien rodée des offrandes un instant, avant de retourner au marché du matin pour acheter un jus d'orange. Des vendeuses assises sur des bâches à même le sol proposent surtout des produits alimentaires - légumes verts, sacs de riz, poissons et carcasses d'animaux, sur lesquels se posent déjà des mouches… L'ensemble renvoie une impression de précarité que je n'avais ressentie que de manière abstraite jusque-là. En particulier, deux enfants maigres et sales au regard perçant essaient de vendre quelques feuilles de salade…

De retour à l'hôtel, je médite les événements de la matinée en attendant l'ouverture du petit-déjeuner. Après quoi, j'ai prévu de visiter l'ancien palais royal mais il est visiblement fermé lorsque j'arrive aux grilles. Je me rabat sur le musée d'ethnologie, une superbe découverte : petit mais très documenté, il donne un aperçu des différentes ethnies qui composent le Laos. En effet, les (Tai) Lao ne représentent que 53% de la population et il existe (encore) dans le pays une multitude de peuples avec leur langue et leurs traditions.

Habits traditionnels “Akha”, minorité sino-tibétaine habituellement établie dans les montagnes
Habits traditionnels “Akha”, minorité sino-tibétaine habituellement établie dans les montagnes


D'origine austroasiatique, hmong-yao, tai-kadai ou sino-tibétaine, ils ont été classés récemment en trois catégories basées sur l'altitude de leur lieu d'habitation traditionnel - le Laos étant un pays de montagnes. Il y a donc les habitants des plaines (Lao Loum), des pentes de montagne (Lao Theung) et des sommets (Lao Soung). Cette classification évolue constamment, notamment à cause de la migration de nombreux habitants vers les plaines et les villes pour faciliter les échanges commerciaux et l'accès à l'éducation. Un exemple des mille détails passionnants que j’apprends sur le(s) peuple(s) lao dans l'heure qui suit.

K.me rejoint ensuite pour une petite heure de scooter vers les cascades de Kuang Si, grosse attraction touristique du coin. Nous devons nous garer à un parking désigné environ un kilomètre avant d'arriver. Une voiturette nous conduit ensuite à l'entrée du complexe, moyennant un droit d'entrée. Nous dépassons les stands de souvenirs et de nourriture, et atteignons un refuge d'ours noirs. Les représentants de cette espèce en voie de disparition sont notamment braconnés pour leur bile, réputée aphrodisiaque… Nous les observons évoluer un instant. L'un d'entre eux est allongé dans son hamac comme un pacha !

Les cascades apparaissent enfin, une version miniature du parc d'Erawan visité en Thaïlande quelques semaines plus tôt. Nous attendons de monter tout en haut pour nous baigner dans l’eau turquoise attirante, effort physique non bienvenu par cette chaleur. Nous sommes bientôt récompensées par de l'eau froide et un endroit peu fréquenté. Parfait pour une baignade revigorante. 

La balançoire en haut des cascades de Kuang Si était en réalité glissante et peu confortable !
La balançoire en haut des cascades de Kuang Si était en réalité glissante et peu confortable !


La pizza étonnamment bonne que nous dégustons sur le chemin du retour avec vue dégagée sur le Mékong achève de nous requinquer. Je suis contente de retrouver (enfin) mon lit pour récupérer avant le trajet de demain vers Nong Khiaw… et j’ai été bien inspirée ! Après une aventure éprouvante dans la jungle, le retour vers Luang Prabang me semble d'une facilité déconcertante. L'arrivée en début d'après-midi me laisse le temps d'écrire deux articles et de régler divers points d'intendance - réservation de billets, passage à la pharmacie, retrait d'argent. 

Le dernier jour sur place débute tranquillement par un brunch à l'Indigo Café, judicieusement dégusté au moment où la grosse averse de la journée s'abat sur la ville. Je me dirige ensuite vers le musée national (ancien palais royal) à quelques mètres de là, que j'avais essayé de visiter quelques jours plus tôt, et qui est ouvert cette fois. Le bâtiment est relativement petit et d'un style étonnant, mélangeant architecture coloniale et motifs asiatiques. Construit au début du XXe siècle sous le règne du roi Sisavang Vong (et le protectorat français), il a été le lieu de résidence de la famille royale jusqu'à son renversement par le parti communiste Pathet Lao en 1975. 

«  Si j'ai la chance de retourner au Laos, la première chose que j'apporterai sera la liberté. » 
- Prince Soulivong Savang ( en exil depuis les années 1980)

On peut y voir l'ancienne salle du trône, des reconstitutions de pièces de vie de l'époque et une collection d'objets ayant appartenu aux derniers membres de la monarchie laotienne. Le parc autour du palais abrite notamment le Wat Ho Pha Bang, temple renfermant le “Phra Bang”, statue bouddhiste la plus vénérée du pays et qui a donné son nom à Luang Prabang - littéralement le “Bouddha d’Or”. On peut également y trouver une salle de spectacles où des représentations de théâtre traditionnel sont données régulièrement.

La visite de l'ensemble me prend une bonne heure, après quoi je m'installe à une table du Joma Bakery Café pour me lancer dans un atelier de cartes postales. Une fois celles-ci prêtes, je me rends au bureau de poste juste à côté pour les envoyer et rien de plus facile - tout y est encore écrit en français. La communication avec l'employée au guichet, comme partout, se fait néanmoins en anglais.

Retour vers le passé à l’intérieur du bureau de poste de Luang Prabang en mai 2023
Retour vers le passé à l’intérieur du bureau de poste de Luang Prabang en mai 2023 ​


Après une pause à l'hôtel, il est l'heure de dîner : le Yuni Yupoun propose des assiettes de dégustation de mets végétariens laotiens - parfait ! Un massage traditionnel achève de faire partir mes courbatures et m'aide à trouver le sommeil rapidement. Je prends le train le lendemain matin pour le nord du pays, où le Mékong ne passe pas. Or, il me reste une activité à réaliser dont la pluie m'a privée la dernière fois : voir le soleil se lever sur "la mer des rivières". Le réveil sonne donc pour la troisième fois en une semaine à cinq heures du matin et quelques instants plus tard, mission accomplie !

À cinq heures du matin, la ville s’éveille alors que le soleil se lève sur le Mékong
À cinq heures du matin, la ville s’éveille alors que le soleil se lève sur le Mékong

 

Quitte à être debout, j'observe à nouveau la cérémonie du Tak Bat devant le Wat May, où les prêtres sont bien plus nombreux à défiler que la fois précédente. Un petit tour au marché du matin et je grappille deux heures de sommeil supplémentaires avant de remballer mes affaires et de héler un taxi, direction Oudomxay. J'ai beaucoup aimé Luang Prabang et sa douceur de vivre, et ne peux que recommander cette destination dont le Guide du Routard dresse un joli portrait

Et toi, cher voyageur, chère voyageuse, as-tu eu l’occasion de vivre quelques jours au rythme des offrandes, des divers marchés et des sublimes couchers de soleil sur le Mékong?


# Laos
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